Sophia DUCCESCHI JUDES vous invite dans son espace de création et d'écriture...

 

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ETE -

 

Devant ton silence qui n'en finissait pas, toutes deux décidèrent de quitter ta chambre. Tout doucement, en veillant bien à ne pas faire trop bouger ton lit, comme pour éviter de provoquer la réaction redoutée, la jeune interne se leva, lança un regard à son énigmatique collègue, croisa le tien, esquissa un sourire compatissant à ton attention. A pas feutrés, elles s'éloignèrent ; elles refermèrent tranquillement la porte sur ta sidération, sur ton malheur annoncé. Elles étaient soulagées mais toi, tu étais désormais chargée d'un poids qui te clouait de stupeur... C'est ainsi que tu vivais ta maladie, à ce stade-là : sans mots, sans plaintes, sans trop de conscience non plus de la catastrophe qui te tombait dessus, plutôt dans un déni insolent qui ne trompait - presque - que toi !

 


AUTOMNE -

 

Epoque flottante, faite d'attentes tièdes, de forts moments de doute mais aussi d'espoirs largement réactivés par l'équipe médicale qui avait hérité de ton cas depuis ton départ de Tenon. Toutefois, les médecins n'avaient jamais dissimulé le caractère agressif de ta maladie. Ils te le formulaient souvent lors de vos rencontre : "Votre lymphome est sévère, agressif et invasif..."

Impossible pour nos esprits humains de comprendre ces mots ! Impensable que tu puisses ne pas guérir. Tu ferais obligatoirement partie de la moitié des personnes qui échappaient aux griffes de ce monstre. C'était encore une évidence...

 

HIVER -

 

Te faire manger était à présent une de ses principales préoccupations. Il faut dire que tu perdais du poids à vue d'oeil tellement tu t'alimentais peu. Tu flottais dans tes pyjamas, avec ta petite mine grise de plus en plus émaciée ; tu portais sur toi les stigmates de la maladie, et plus seulement ceux de la chimiothérapie...

Inutile de préciser ce que nous nous souhaitâmes mutuellement lors du tout aussi modeste réveillon de la Saint-Sylvestre. Nous essayions d'être heureux juste pour toi, pour que tu lises pas la peur dans nos regards troubles quand nous nous transmîmes nos timides voeux pour l'année à venir... Il me sembla, quand nos regards se croisèrent, que ton expression allait bien au-delà des faux-semblants et que ton étreinte appelait une force de vie que tu ne trouvais plus en toi.

 

PRINTEMPS -

 

Nous eûmes tous la même sensation au même instant, le silence s'était fait, naturel, presque religieux. Personne n'était venu troubler maladroitement cet instant magique, inoubliable où, à l'approche de ta mort, tu nous offris, simplement, une merveilleuse leçon de vie. Ce fut ton adieu. En tout cas celui de ta conscience. Le lendemain soir, tu étais dans le coma, léger certes, mais déjà quand même bien engagée dans le passage...

Nous entrions dans le dernier acte de ton drame...